Evaluation multi-méthode du risques de mouvements de terrain liés au karst sur le site du CNRS d'Orléans
Gildas Noury  1@  , Jean-Michel Baltassat  2  , Thomas Jacob  2  , Adnand Bitri  2  
1 : BRGM
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Ministère de la Transition écologique et solidaire, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
3 avenue Claude-Guillemin BP 36009 45060 Orléans Cedex 2 -  France
2 : BRGM
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Ministère de la Transition écologique et solidaire, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

La survenue de plusieurs effondrements et affaissements sur le site du CNRS d'Orléans a motivé la direction de ce site de recherche à la renommée internationale à confier une étude approfondie au BRGM. Un état des connaissances a ainsi été mené en 2019 avant d'être poursuivi par un diagnostic de la stabilité de six secteurs.

 

Le CNRS d'Orléans rassemble seize laboratoires, unités scientifiques et génériques sur un site de 72 ha implanté sur le plateau de Sologne. A cet endroit, les terrains sont constitués d'une couverture épaisse de 8 à 12 m d'alluvions sablo-graveleuses anciennes reposant sur un substratum carbonaté composé des formations du calcaire de Beauce. Le toit de la nappe se situe en moyenne légèrement sous le toit calcaire. Aucune cavité souterraine d'origine anthropique n'est connue à cet endroit. De nombreux indices karstiques sont en revanche recensés dans le secteur avec plusieurs dolines et les résurgences formant la rivière du Loiret (notamment au niveau du parc floral de la Source situé à 1,5 km au nord). Ce contexte karstique représente un risque de désordre pour les infrastructures. Cette problématique géotechnique avait été « découverte » au moment de l'aménagement du nouveau quartier dans les années 1950 et 1960. Les bonnes pratiques mises en œuvre à l'époque ont semblent-elles été peu à peu oubliées au cours des années 1970 et 1980, ou en tout cas pas respectées partout.

 

La collecte documentaire effectuée ici a retenu 27 mouvements dans un rayon de 1 km autour du CNRS. Les deux plus grands effondrements font 10 m de diamètre et 3 à 5 m de profondeur et sont à considérer comme l'aléa de référence. Les principaux phénomènes en cause sont très certainement le soutirage des alluvions dans le substratum et la rupture de conduits présents dans le calcaire.

 

Une analyse a posteriori des études géotechniques disponibles pour 10 des 40 bâtiments du CNRS indique que ce risque a été pris en considération de manière très variable : certaines études n'en parlent pas, les autres ont caractérisé l'aléa de manière souvent incomplète et celles qui le font le mieux divergent sur les adaptations à mettre en œuvre, y compris sur les paramètres les dimensionnant a priori (diamètre de fontis notamment). Ces constats ne préjugent pas des risques existant effectivement car les instabilités karstiques sont par nature relativement ponctuelles : elles ne concernent certainement pas tout le site. Ils ont toutefois incité le CNRS et le BRGM à poursuivre l'analyse en procédant à une série de nouvelles mesures.

 

Des mesures géophysiques ont tout d'abord été effectuées sur les sites a priori les plus sensibles (ceux présentant des suspicions de désordres et/ou concentrant les enjeux). Avec 3160 stations, la microgravimétrie a couvert près de 55 % du site : elle cartographie les excès et les défauts de masse, ces derniers pouvant être liés à des phénomènes karstiques. Les mesures faites à l'intérieur de deux bâtiments ont fait l'objet d'un soin particulier. Ces mesures ont été complétées par dix-sept profils sismiques (réfraction et/ou MASW – 4100 m cumulés) et six profils électriques (ERT – 1700 m cumulés) qui ont fourni une image physique des terrains jusqu'à globalement une quarantaine de mètres de profondeur (avec une résolution décroissante avec la profondeur).

 

Les sondages géotechniques réalisés ensuite se sont concentrés sur les anomalies repérées par ces techniques géophysiques. 93 Cone Penetration Test (CPT) ont révélé de manière très fine les faiblesses présentes dans les alluvions et jusque parfois plusieurs mètres sous le toit calcaire. Dix-sept Sondages Destructifs (SD) « réglés » pour la recherche de vide ont été chercher les passages suspects les plus profonds. Des vides ont ainsi été détectés sur plusieurs CPTs, rarement en proche surface, plutôt au toit du substratum. Les zones faibles descendent parfois jusque 20 m, voire 35 m de profondeur pour un des SD. Ces configurations font penser à la présence d'anciens gouffres karstiques, remblayés naturellement par les alluvions anciennes, mais toujours actifs, comme en témoigne les faiblesses dans les alluvions qui seraient donc progressivement soutirées « dans le karst ». Sur un autre SD, un passage très « décomprimé », isolé dans le substratum entre 30 et 38 m de profondeur a été attribué à un grand conduit karstique colmaté, similaire à ce qui déjà été observé dans les réseaux souterrains explorés par les spéléologues au niveau de la source du Loiret.

 

Vérification faite via les calculs de géotechnique « classique » confrontant les charges présentes en surface (voirie, bâtiment) et la résistance des matériaux en place, la seule instabilité imminente repérée sur les secteurs étudiés se trouve heureusement dans une zone sans enjeu véritable. Partout ailleurs, la stabilité immédiate des terrains n'est actuellement pas remise en cause. La stabilité à moyen terme questionne tout de même car les phénomènes karstiques sont évolutifs : les principaux affaiblissements repérés à plus ou moins grande profondeur sont vraisemblablement le signe précurseur de futurs mouvements en surface. Les zones en question concernent trois des six secteurs étudiés : surtout une partie d'un bâtiment de recherche, et dans une moindre mesure, une voirie (sur une faible surface) et un espace vert (sans véritable enjeu). L'échéance de tels mouvements étant difficile à prévoir en l'état actuel des connaissances, des recommandations visant à sécuriser sans attendre ces secteurs ont été faites au CNRS. Une surveillance de l'intégrité des enjeux concernés est actuellement en cours de mise en place et des opérations de confortement sont en réflexion.

 

L'approche « multi-méthode » (naturaliste, géophysique, géotechnique) développée ici a permis d'évaluer efficacement ce risque géologique particulier, difficilement accessible car masqué sous les terrains de couverture, difficilement prévisible car généralement sans signe avant-coureur en surface et difficilement maitrisable pour les aménagements à moins de disposer d'une bonne connaissance des évènements antérieurs et des phénomènes en cause. Le sujet est ici décrypté dans la plupart de ses composantes, ce qui permettra au CNRS de se prémunir des risques associés.


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